À l'ombre des oliviers

Il répondit à Podness dans un regard mêlant fierté et gêne. Il n'avait pas espéré être acclamé mais il se rendit compte du décalage de ses propos avec l'ambiance précédente, répondant en elfique.

- Je n'aime pas les ennemis invisibles... J'espère attirer contre moi ceux qui n'oeuvrent pas pour les intérêts du jeune duc.

Puis Kayla revint, alors que Sallavin imaginait encore sa rencontre avec Lian Trinh. Dissipant rapidement son essoufflement, elle afficha rapidement son envie de rester debout encore un moment... Les musiciens étaient des fêtards mais le rythme de vie du chevalier était assez reglé et il lui déplaisait de retarder l'heure de son sommeil... Cela dit, elle avait eu la politesse de faire cas de sa journée de demain, il pouvait donc accéder à sa requête, quitte à se retirer rapidement au besoin.

- Allons à l'écart alors ! dit il en elfique Je risque de fermer les yeux si cela ne vous ennuie pas, mais j'écouterai avec plaisir une démonstration de vos talents.

Sallavïn expliqua ses motivations à Podness, qui sourit d'un air entendu.

Un coeur noble et une âme pure ? Ce melessë n'a pas fini de m'étonner... Je prirais la déesse Joyeuse pour sa victoire demain ! pensa le gnome en essayant de décrypter son compagnon.

Ils virent alors arriver Kayla, légèrement essoufflée. La jeune femme semblait préoccupée... pourtant, elle cherchait à le cacher.

Qu'a-t-il bien pu se passer avec ce noble ? s'interrogea Pod, inquiet.

Elle proposa qu'ils s'isolent. Sa sieste lui ayant donné l'énergie nécessaire pour tenir encore, Pod n'avait aucun problème avec cette idée. Il voulait d'ailleurs en apprendre plus sur les échanges qu'elle avait eu avec le sieur de Bracassay. Quelque chose lui disait qu'il n'avait pas été correct !

- Je vous suis... Je serais heureux de vous entendre... répondit Pod avec un sourire chaleureux qu'il espérait réconfortant.

Un vaste sourire reconnaissant éclaira le visage de la jeune femme, balayant toute inquiétude dans ses yeux claires quand ses compagnons acceptèrent sa proposition. Le soulagement et la reconnaissance qu’elle éprouvait alors, soulignaient les aspects les plus doux de son faciès : elle était si heureuse d’avoir rencontré des personnes si agréables et généreuses si tôt dans son périple. Diffusément, elle se sentit rassurée et un peu plus prête à parler de sa mésaventure. Elle les salua tous les deux d’un profond hochement de tête et, une main sur la poitrine, elle prononça en elfique :

- Je vous remercie, du fond du cœur. Suivez-moi !

Trottinant, elle les amena dans un lieu un peu à l’écart, au pied d’un arbre aux branches assez basses pour qu’elle puisse se hisser sans mal au premier rameau. Adossée contre le tronc, elle saisit sa lire et commença à en tirer quelques sons, explorant pensivement les notes qui venaient naturellement au bout de ses doigts. Elle laissa quelques secondes s’écoulaient, avant de partager enfin ce qu’elle avait sur le cœur :

- Le duc de Bracassay m’a proposée d’être mon mécène. Il voulait m’aider à parcourir la région pour réconforter la population fatiguée par ces longues années de guerre.

Un silence s’étira à nouveau, sur quelques secondes, même ses mains avaient arrêté d’errer sur sa lyre. Elle reprit la parole en même temps que sa musique.

- A condition que je ne me présente pas aux épreuves de demain.

Une nouvelle pause et un long soupir franchit ses lèvres.

- J’ai refusé, bien-sûr… J’ai donné ma parole à dame Irène et-et c’était étrange. Je n’ai pas compris en quoi ma participation aux épreuves compromettait sa proposition ! Et puis ses yeux quand j’ai refusé…

A nouveau, elle cessa de jouer, serrant son instrument contre son torse, les doigts crispés sur le bois sculpté.

- J’ai eu si peur !

Sa voix tremblait. Elle inspira profondément, la prise de sa main se détendit et la musique reprit sur quelques notes d’une berceuse elfique classique.

- Vous… Vous pensez qu’il essayait de – je ne sais pas – d’écarter la concurrence pour… Un participant particulier qu’il utiliserait pour se rapprocher de la duchesse et de son fils ?

Suivant docilement sans laisser paraître ses réticences, Sallavïn s'installa au pied de l'arbre qu'escaladait Kayla et ferma directement les yeux en l'entendant pincer les cordes de son instrument, les mains croisées sous sa nuque.

Ah, son nom c'était Bracassay, je vois...

Écoutant distraitement d'abord, l'attention du jeune melësse se cristallisa en entendant la condition du mécène de la jeune musicienne. La forcer à se retirer ? Lui faire peur ? C'était honteux ! Intolérable même, le genre d'agissements qui méritaient de se faire tirer par les oreilles en place publique ! Le regard du jeune homme se fit dur, puis il souffla calmement en laissant se percuter ses méninges.

Du calme. Elle n'en a pas l'air, certes, mais si je suis entré dans un palais de mensonges, je n'arriverai jamais à en discerner un d'un autre... Choisir de faire confiance à tout le monde n'est pas une bonne idée. Mais je ne dois pas non plus cesser de croire... Un chevalier doit offrir son aide en toutes circonstances sans laisser de failles !

Sallavïn fit doucement craquer sa nuque en la penchant de gauche à droite, expirant lentement.

- C'est possible qu'il ait déjà un favori, oui. Je suis honoré de la confiance que vous nous portez, mais je vous suggère d'en parler à la duchesse en personne, plutôt qu'à des étrangers. Je vous accompagnerai si vous voulez.

Pod accompagna Kayla dans un endroit plus tranquille. Il était tard et les étoiles brillaient dans le ciel, à peine voilées par le peu de luminosité éparpillée dans le jardin. Leurs visions nocturnes leur permettait de s'affranchir des limitations humaines et ils seraient au calme à cette distance. Quel spectacle magnifique ! se prit à penser le gnome en levant la tête vers le ciel. Il ferma les yeux, écoutant les notes de la lyre et se concentra sur la fraîcheur du soir sur sa peau.

Puis Kayla s'expliqua. Et le sourire de Pod se crispa, en même temps que ses poings. Non pas à cause du mécénat. Après tout, c'était une bonne nouvelle... mais pour les conditions qui en découlaient.
Pod n'intervint pas, laissant Kayla exprimer son angoisse et ses sentiments sur cette affaire. Son esprit bouillonnait pour essayer de démêler tous les éléments dont ils disposaient. La supposition de la barde était plausible...
Sallavïn intervint à son tour, allant dans le sens de Kayla, mais préférant s'en référer à la duchesse directement.

- Je me demande... commença-t-il dans un souffle. Oui, peut-être !
" Nous n'avons que des suppositions pour le moment... Des faisceaux d'indices.
" La duchesse sera pieds et poings liés tant qu'elle n'aura pas de preuves et je ne doute pas une seconde qu'elle se doute de coups fourrés de ses pairs...

Et avant de poursuivre, il observa attentivement les alentours, ses oreilles aux aguets. [Sagesse - Perception]

- Que diriez-vous si nous profitions du couvert de la nuit pour... disons, nous assurer que ce Mercoeur n'a pas quelque document compromettant en sa possession ? Savez-vous où est sa tente ?

A la proposition du jeune melessë, Kayla prit un air de profonde réflexion. La duchesse ? Elle n’avait pas songé à la déranger pour si peu. Le duc de Bracassay n’avait rien fait de réellement répréhensible, après tout il avait le droit de faire de telles propositions aux artistes ici présents, d’y mettre les conditions qu’il voulait et les bardes d’accepter ou non. Il n’avait formulé aucune menace à son encontre, ne l’avait pas mise en danger. Elle n’avait pas de preuves ni de raison d’inquiéter plus encore une mère probablement pétrie de frayeurs pour son jeune fils et la situation de son duché. Podness résuma rapidement son avis en quelques mots, avant de faire une proposition qui la surprit au point de lui faire fausser une note. Faire quoi ? Non, non, non, ils n’allaient pas entrer dans ce jeu-là, certainement pas ! Elle comprenait que le gnome conçoive quelques griefs envers son insupportable collègue à la langue de vipère, mais personne ici n’allait se mettre au niveau de médiocrité de ce sournois serpent. Elle secoua la tête et, d’un bond souple, descendit de son perchoir :

- Hors de question de fouiller dans les affaires d’un homme qui n’a rien fait d’autres que d’être une vipérine nuisance ! D’une part, il est fort tard et nous gagnerons plus à nous reposer qu’à fouiner dans les affaires d’autrui. Ensuite, aux manigances perfides je suggère que nous fondions un bloc solidaire, assez résistant pour casser la mâchoire de ces vilains serpents. Entraidons-nous ! Demain midi, répétons ensemble nos histoires et nos chants, le soir venu, prenons le temps de lire un peu ensemble pour nous préparer ensemble au surlendemain. La duchesse n’a jamais dit qu’elle choisirait les vainqueurs, que je sache, peut-être préférera-t-elle porter son attention aux gens qui savent s’unir et se faire confiance quand, précisément, on leur suggère une acharnée compétition. Je ne travestirai pas la personne que je suis pour ce poste et je ne m’abaisserai pas au niveau de Mercoeur. Si je dois lui nuire, ce sera demain, sur scène, en mettant tout mon cœur et la sincérité de mes intentions au service de ma performance !

Un vaste sourire confiant traversait désormais son visage clair alors qu’elle tendait ses deux mains à ses compagnons. Elle avait peut-être tort de leur faire confiance si vite, Podness avait précisément montré qu’il n’était pas contre un petit écart de conduite, mais elle voulait croire qu’elle pouvait compter sur eux et unir ses faibles forces aux leurs. Elle avait besoin de trouver un havre de réconfort, quelque part, durant cette épreuve. S’ils pouvaient être les murs qui la protégerait des maux de la haute-société, elle leur en serait éternellement reconnaissante.

- Allons nous reposer, mes amis, suggéra-t-elle d’une voix tendre. Demain je chanterai pour vous autant que pour le jeune duc… Et je veillerai à vous encourager, Sallavïn !

[HRP]Charisme -Persuasion : pour voir à quel point elle est convaincante dans sa petite tirade
Force : pour voir si elle arrive à tirer Sallavïn et/ou Podness s'ils prennent sa main [/HRP]

Sallavïn écouta le gnome proposer de cambrioler l'un des compétiteur, ouvrant ses yeux et tendant la pointe de ses oreilles comme pour être sûr d'avoir bien entendu. Il commençait à prendre appui sur son genoux pour s'en aller sans plus attendre, désormais convaincu qu'il ne gagnerait rien de bon à ne pas se reposer pour se mêler à de tels tracasseries, lorsque Kayla remit de l'ordre dans ses idées.

C'est... Plein de bon sens. Faire équipe pourrait être une force... Cela dit, il est certain que la duchesse préférera les meilleurs.

Acceptant la main qu'on lui tendait, mais se hissant de lui même face à la musicienne, il la regarda un moment avant de hocher gravement la tête.

-Merci Kayla. De l'entraide oui, mais pas pour se lancer sur un jeu malsain.

Puis il se tourna vers le gnome, qu'il regarda plus durement.

- « Vous n'avez aucun droit de fouiller dans les affaires des autres, même s'ils ne vous plaisent pas. Si je devais juger le mal que cause les paroles d'autrui... » Il ne finit pas sa phrase, pensant simplement : vous semblez plus menaçant que Mercoeur.

Préférant croire que le gnome ne cherchait qu'à œuvrer pour le bien, il lui posa une main amicale sur l'épaule.

- Nous triompherons sans nous écarter du droit chemin.

Podness eut beau tendre l’oreille et observer les environs avec plus d’attention, il ne vit rien de suspect autour de lui. La scène était maintenant interdite d’accès afin de ne pas troubler le repos de ceux qui dormaient déjà. Et d’ailleurs, il ne restait plus grand monde debout.
Le gnome aperçut d’ailleurs, au loin, la Duchesse qui prenait congé et rejoignait la villa. Il vit aussi quelques personnes isolées déambuler dans les jardins. Notamment, à quelque distance d’eux, un humain blondinet jeune et bien bâti qui revenait d’on ne sait où et se dirigeait vers les tentes retint son attention. Enfin, Podness distingua la silhouette d’une femme, d’une taille impressionnante pour son genre, rodant aux alentours. Il lui sembla les avoir déjà vu parmi les candidats, mais difficile d’en être certain… Ils en avaient l'allure, en tout cas.

Il y avait de moins en moins de monde dans le jardin, la plupart des convives rejoignant le confort de leur lit et le réconfort de leurs rêves. Même la duchesse quittait les lieux. Rien donc, qui empêcha le gnome d'exprimer son idée particulière d'enquête...

Grand mal lui en prit, car il se sentit soudain jugé... L'image d'un enfants grondé par ses parents pour avoir prit des gâteaux dans le placard sans avoir demandé la permission s'imposa à lui. Le rouge lui montait aux joues, ne sachant plus où se mettre. Il baissa les yeux, l'air contrit. Il n'y avait aucune raison de tenir tête et argumenter dans son sens.

On en est à ce point là... pensa-t-il en constatant la rigueur de morale que s'imposaient ces deux là.

Lui-même n'avait jamais cherché à contrevenir aux règles établies... sauf si elles s'avéraient mauvaises et contre-productives !

Je n'ai pas parlé de le tuer ou même de le voler ! Aurait-il voulu se défendre. Mais les mots ne sortaient pas, choqué comme il était.
Pour le reste, l'argument ne suffirait sûrement pas.

Il accepta la main tendue, sans la saisir toutefois, blessé dans son orgueil d'être ainsi traité tel un enfant fautif.

- Allons donc nous reposer... oui... répondit-t-il en regardant insistemment le sol, pour ne pas révéler la frustration qui se lisait dans ses yeux.
" La duchesse vient d'ailleurs de partir... ajouta-t-il dans un souffle.

Sur le chemin, Pod chercha à identifier les tentes et les derniers mouvements alentours. D'ailleurs, où etait donc passé le blondinet entraperçu tout à l'heure ? Se pourrait-il qu'il s'agisse du jeune frère de Thimotéos ?

Finalement, le trio prit la décision de rejoindre les chapiteaux pour trouver un peu de repos. Le blondinet aperçu par Podness rejoignit d’ailleurs l’un d’entre eux – le même que Sallavïn.
À l’entrée de chacune des tentes, la garde avait été relevée. Des hommes resteraient probablement postés là jusqu’à l’aube afin d’assurer la sécurité des occupants – contre eux-mêmes ou contre des menaces extérieures, nul ne pouvait le dire. Glissé à leur ceinture, une petite sacoche d’où dépassaient un bout de parchemin, et… une dizaine de cuillères.
Les trois compagnons s’aperçurent bientôt qu’aucun ne partageait le même chapiteau – et personne n’était encore sûr de quels autres candidats se trouvaient déjà à l’intérieur.
Avant de franchir la toile de l’entrée, le garde posté à proximité s’adressa à chacun d’entre eux à voix basse :

- Votre nom s’il vous plait ? [ils vérifient sur la liste que le nom y figure bien, puis : ] Passez-vous les épreuves équestres demain ? Si c’est le cas, veillez à déposer l’une de ces cuillères au pied de votre couche. Vers vos pieds. Et l’un des gardes vous réveillera demain à l’aube pour vous conduire aux carrières. Les chevaux sont un peu difficiles… Vous n’êtes pas obligés évidemment, mais si vous parvenez à vous lever à temps, vous aurez un peu de temps pour vous familiariser avec les bêtes. Ainsi que des conseils pour savoir les amadouer.
« Ceux qui n’ont pas l’intention de monter ou de combattre, vous n’avez pas besoin de vous presser demain matin. Les tournois à l’épée n’auront lieu qu’en milieu de matinée, et les artistes gèrent leur temps.
« Si pendant la nuit vous avez un problème, venez me voir. Ou la relève après moi.
« Je vous souhaite la bonne nuit ! Essayez d’être discrets, ça dort déjà là-dedans.

Le garde distribue les cuillères aux personnes concernées, puis laisse chacun entrer dans sa tente.

À l’intérieur, une lanterne brillait toujours, mais avec une intensité tout juste suffisante pour que chacun retrouve sa couche sans trop de problème. La plupart des matelas étaient déjà occupés, et quelques sifflements ou ronflements assez doux s’en échappaient. À moins d’avoir le sommeil fragile, le volume sonore restait tout à fait raisonnable.
Chacune des tentes abritait 8 lits, dont certains n’étaient pas occupés.
Dans la sienne, Kayla put distinguer la frimousse de Lillya-Caramyel dormant à poings fermés, la bouche ouverte.
Sallavïn se retrouvait avec le blondinet aperçut plus tôt et qui se couchait en même temps qu’eux (il le vit d'ailleurs déposer sa cuillère au pied de son lit). En balayant l’espace consciencieusement, il vit aussi Boréas qui dormait déjà, ainsi que le nain dont le visage endormi disparaissait dans sa barbe rousse. En revanche, pas de trace de Mercœur.
Quant à Podness, il ne réussit à identifier personne. Tous les visages étaient engoncés dans leurs draps et couvertures et ne permettaient pas facilement de les identifier.

Sallavin se gratta l'arrière du crâne en constatant l'effet de leurs paroles sur Podness. Il avait l'air mortifié... Il a du grandir dans un environnement où ce genre de comportement était normal, il ne se rend peut être pas compte ? Enfin ! Ce n'était pas le genre de moment qu'il appréciait, mais au moins avait-il pu avoir un aperçu de qui étaient les autres postulants. Et puis, il n'avait pas cédé aux sirènes des intrigues suspectes. La fin ne justifie jamais les moyens, hein maman ?

Il souhaita la bonne nuit en se séparant de Kayla et Podness, regagnant la tente où il avait laissé ses affaires, cherchant en lui des nouvelles ressources de détermination, mais bailla à s'en décrocher la mâchoire. Toute cette oisiveté ne lui réussissait pas !

S'identifiant auprès du garde avec une certaine rigidité et en espérant qu'il comprenait le cyfand, Sallavin regarda la cuillère qu'on lui donnait avec curiosité. Quelle... idée...
La méthode était originale. Ce n'est pas qu'il pressentait qu'une cuillère était un objet facile à voler pour empêcher un concurrent d'être réveillé de bon matin, mais quelque chose en lui trouvait la méthode assez originale pour se demander s'il ne s'agissait pas d'une sorte de test. Pénétrant aussi discrètement que possible dans les quartiers où différents souffles résonnaient déjà dans un unisson bienheureux, il retrouva facilement ses affaires et déposa leur imposant volume au sol, avant de placer la cuillère en évidence au bout de son lit.

En même temps que lui, un autre candidat déposait aussi l'objet au sol et Sallavin risqua un sourire d'encouragement dans sa direction, hochant la tête en discret signe de reconnaissance. Ôtant finalement ses vêtements, le sang-mêlé se glissa dans les draps qu'on lui avait préparé avec un soupir de satisfaction mal contenu.
Demain, il pourrait se dépenser en bonne intelligence et voir quelle était sa valeur !

Un petit air triste passa sur le visage de la melessë, quand elle vit l'air contri de Podness. Elle s'approcha doucement du gnome et tenta, d'un air doux et encourageant :

- Je ne doute pas de la bonté de vos intentions, Podness. Je suis heureuse d'avoir rencontré une personne aussi soucieuse de la vérité.

Mais elle n'était pas encore prête à pareille manigance pour la découvrir et encore moins ce soir. Lâchant un discret bâillement et frottant des paupières alourdies, elle suivit le mouvement jusqu'aux tentes. Une fois arrivée, elle salua à regret ses deux compagnons. Elle avait pris l'habitude de dormir entourée d'hommes durant la traversée en bateau et sa pudeur s'était considérablement assouplie depuis. Cela dit elle n'était pas non plus mécontente de bénéficier d'une atmosphère plus féminine pour la nuit.

D'une voix fatiguée, elle déclina son identité, avant d'hésiter à demander une cuillère aussi. Elle ne participait pas, mais elle était curieuse de voir les préparations à la compétition, de rencontrer les chevaux et, peut-être, de se lever plus tôt pour répéter en observant les cavaliers et leurs montures. Mais elle avait aussi besoin de dormir. Tant pis, si elle arrivait à se lever aux aurores d'elle-même et à se tirer du lit, elle aurait toujours cette occasion, sinon elle ne serait que mieux reposée pour le soir.

Heureuse de constater qu'elle partageait sa tente avec une presence connue, Kayla se défit en silence de ses vêtements. Gardant une fine chemise pour toute parure sur son corps nu, elle se blottit sous les couverture, sa lyre toujours près d'elle, rassurée par le contact familier des gravures sur le bois.

Pod faillit rater la réaction des deux autres à bouder ainsi... Pourtant du coin de l'oeil, il capta la moue de Kayla et il regretta aussitôt sa réaction. Il profita alors de sa main tendue en lui signifiant par un sourire que leur désaccord était oublié.
Quand ils furent arrivés aux tentes, il s'adressa à eux en elfique avant qu'ils se dirigent vers la leur.

- Belle nuit ! Et faites attention à vous... fit-il, sachant qu'ils comprendraient son allusion.

Écoutant attentivement les explications du garde, il déclina la cuillère et rejoignit son lit et ses affaires. Malgré sa vision nocturne, il ne reconnu aucun visage des candidats qui partageaient sa tente... Ce qui ne l'aida pas à calmer ses inquiétudes.
Il prit le temps de vérifier le contenu de ses sacs. Puis, rassuré, il se mit en caleçon, pliant soigneusement ses affaires au pied du lit. Avec un dernier regard alentours, il glissa son grimoire sous son oreiller et finalement lui-même sous sa couverture. Il étudierait les arcanes le lendemain matin. Même s'il dormait généralement ses huit heures par nuit s'il en avait l'occasion, il savait que le levé des autres serait suffisant à lui faire ouvrir les yeux à temps.

Pourtant, toutes ces intrigues lui tournaient dans la tête et le sommeil ne lui venait pas. Il tendait l'oreille au moindre souffle alentour, imaginant un assassin surgissant pour l'éliminer. N'y tenant plus, il finit par s'asseoir sur sa couche, s'obligeant à respirer profondément pour se calmer.

Je sais... pensa-t-il soudain.

Sa main se porta à sa sacoche et il referma ses doigts sur la forme familière et rassurante d'un cristal de roche. Chuchotant les mots de pouvoir [Discrétion ?], il fit les gestes habituels et la seconde suivante, une aura légèrement iridescente le nimba de la tête aux pieds [Lance Armure de Mage]. De peur de réveiller quelqu'un, il se camoufla aussitôt sous sa couverture, épiant une réaction de tout ses sens...
Inutile, voir même inefficace, la magie du gnome eut l'avantage de le rassurer suffisamment pour qu'il trouve enfin le sommeil. Si Aster veillait sur lui, la nuit se passerait bien !

Agissant sous ses draps et couverture, Podness se montra suffisamment discret pour ne pas éveiller l’attention du garde. Qui sait comment celui-ci aurait réagi s’il avait perçu et compris qu’on usait de magie à l’intérieur ? Fort heureusement, le gnome angoissé n’attira aucun soupçon sur sa personne, et s’endormit bientôt comme un bienheureux… Il dormait encore à poings fermés lorsque la relève de la garde entra à l’aube pour réveiller les éventuels cavaliers. Il devait être épuisé, car il n’ouvrit les yeux que bien plus tard, pour trouver sa tente presque vide – à l’exception de deux candidats : un homme entre deux âges aux petites lunettes rondes et cheveux hirsutes qui lisait au lit, et un jeune homme aux longs cheveux d’or et à l’air efféminé. À genoux sur sa couche, les yeux fermés et les lèvres en mouvement, celui-ci s’adonnait à la prière, imperturbable.

Alors que Podness émergeait, il vit aussi Mercœur revenant de l’aile arrière après une courte toilette. Ce dernier le salua d’un grand sourire et en s’inclinant un peu trop bas pour être sincère :

- Mon petit monsieur, je vous souhaite le bonjour. Vous avez manifestement dormi comme un loir, et je m’en réjouis pour vous. J’aimerais avoir la même qualité de sommeil.

Le barde déposa quelques affaires dans son paquetage (à trois matelas de là), puis :

- On dirait que la concurrence se fait mince, commenta-t-il avec un regard sur les autres couches. À moins qu’ils n’aient voyagé léger ? Bah… On ne va pas s’en plaindre, n’est-ce pas ? À plus tard, mon cher. Je m’en vais quérir l’inspiration à l’extérieur, où l’air est moins vicié qu’ici, ajouta-t-il avec une grimace et un léger coup d’œil vers le lecteur aux cheveux hirsutes (qui ne s’en aperçut pas).

Podness ne comprit ce qu’il voulait dire qu’une fois Mercoeur sorti : certains des lits, hier occupés, étaient non seulement vides de dormeurs, mais aussi de l’intégralité de leurs affaires. Malles, sacs, accessoires, tout avait disparu. Seuls les draps et couverture en bazar indiquaient qu’une personne y avait dormi la veille.

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Beaucoup plus tôt, Kayla, Sallavïn et Boréas ouvrirent l’œil dès qu’ils perçurent le garde – et la domestique chez les femmes – entrer dans leur tente pour réveiller les cavaliers.
Heureusement pour Sallavïn et Boréas, car tous deux purent rapidement constater que toute cuillère avait – naturellement ? – disparu pendant la nuit. L’unique cuillère présente de la tente de Kayla, en revanche, était bien toujours là. Lillya-Caramyel ouvrit l’œil également, murmura un bonjour à l’attention de la mellessë, puis referma les yeux aussitôt.

Dans la tente des hommes, ils furent trois à se lever : Boréas, Sallavïn et le blondinet de la veille, dont le réveil était visiblement difficile.
On leur laissa le temps de se préparer, puis un palefrenier les accueillit en s’inclinant – sans parler – un peu plus loin à l’extérieur. Il mit un doigt sur sa bouche pour leur indiquer de préserver le silence autant que possible, puis leur fit signe d’attendre les autres.
Le ciel, tout strié de rose et d’or, perché au-dessus des jardins endormis, offrait un spectacle radieux à tous nos lève-tôt. L’atmosphère, paisible et ouatée, contrastait fortement avec les festivités de la veille. Ils étaient les seuls debout, et n’osaient lever la voix de peur de briser le calme ambiant.

Quand les gardes et domestiques confirmèrent que tout le monde était prêt, le palefrenier sortit un parchemin de sa poche, puis compta le nombre de participants : ils étaient cinq en tout, dont Boréas, Sallavïn, le blondinet, ainsi que l’elfe de belle taille aperçue hier tard dans la nuit. L’une des femmes de la tente de Kayla participait aussi : Sallavïn reconnut la danseuse martiale de la veille.

En regardant les noms, le palefrenier fronça les sourcils, puis s’excusa deux minutes. Il montra du doigt son papier aux gardes et domestiques, qui firent tous non de la tête et haussèrent les épaules. Un peu dépité, le palefrenier revint – toujours sans perturber le silence – et fit signe à tout le monde de le suivre jusqu’aux prés.

Réveillé avant l'aurore, Sallavin pria silencieusement -et longuement- la grandeur du Forgeron, espérant qu'il honore la compétition de sa justesse tout en s'habillant, prenant le temps d'enfiler sa cotte de maille au cas où il manquerait de temps par la suite.
Une fois assuré que chaque boucle était efficacement fermée, il se dirigea vers les pichets placés au fond de la pièce pour se rincer le visage puis sortit, inspira l'air frais à plein poumons en admirant les couleurs dans le ciel.

Nous serons seulement cinq?

Hochant la tête pour saluer silencieusement les participants autour d'eux, le petit jeu du palefrenier occupa assez son attention pour qu'il demande :

-Quelque chose ne va pas ? Une personne manque à l'appel ?

Un œil s’ouvrit, puis l’autre. Les deux se refermèrent, puis se rouvrirent ensemble. Près d’elle, elle rendit dans un murmure le salut somnolant de Lillya, avant de relever lentement son buste. Autour de son visage, hérissés en couronne doré, ses cheveux saluaient l’aurore de leur matinale fantaisie. Kayla s’étira longuement, peu pressée, puis elle alla faire une toilette rapide et, surtout, silencieuse parmi les dormeuses. Elle se coiffa et renfila sa tenue de voyage, avant de sortir dans les allées du parc, direction les écuries, pour voir comment s’en sortait leurs cavaliers.

Dehors, l’aube offrait un spectacle splendide et l’air parfumé de rosé avait quelque chose de profondément revigorant. La melessë se sentait bien, elle avait hâte d’assister aux épreuves du jour et de commencer à écrire sa pièce pour le duc. Elle bouillonnait d’idées ! En prévision de son travail, elle avait emporté avec elle des parchemins, de quoi prendre des notes et sa lyre. Elle espérait profiter du spectacle des préparatifs pour écrire quelques vers et lignes de partition. Peut-être qu’elle pourrait montrer le début de son travail à Sallavïn et Podness à la pause de midi ? Peut-être qu’elle pourrait aider le jeune chevalier pour son conte épique du soir ? Oh ! Elle avait hâte ! Si hâte !

Sautillante, elle trottinait sur le chemin, lorsqu’elle avisa le groupe, dont le jeune demi-sang et Boréas. Elle d’arrêta, hésita un bref instant, puis s’approcha, juste assez pour indiquer sa présence, pas assez pour réellement intégrer les concurrents. Elle adressa un salut timide et enjoué aux deux hommes qu’elle connaissait, détaillant avec curiosité les autres personnes présentes, tout en tentant de rester discrètement polie.

Réveillé et prêt un peu avant les autres, Boréas partit le premier en direction des écuries. L’aube commençait à peine, et il dut attendre quelques instants devant les portes, le temps que le maître d’écurie se lève. En cette matinée de fin d’été, une brise fraiche – juste un peu trop pour être vraiment agréable – balayait les jardins. Une légère buée s’échappait même des narines de l’éleveur à chacune de ses respirations.
Quand le maître d’écurie apparut enfin – les yeux encore bouffis de sommeil, il salua Boréas de la tête, puis le fit patienter quelques instants. Deux garçons d’écurie – beaucoup plus jeunes – émergèrent bientôt, et tous se dirigèrent vers le pré.
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Devant les tentes, les candidats finissaient encore de se préparer. À la question de Sallavïn, le palefrenier le fixa un instant, cligna des yeux, fit « non » de la tête, puis plaça un doigt sur sa bouche puis vers les tentes pour lui indiquer le silence. Avait-il compris la question ? Peut-être ne parlait-il pas Cyfand…

Enfin, le groupe des cinq participants et leur escorte prirent le chemin du pré, toujours en silence. On aurait presque dit un berger menant son troupeau aux pâturages.
Ils s’aperçurent alors que le domaine Bracque-Croiset était vraiment gigantesque. Ils passèrent d’abord devant les écuries (accolées à l’aile est de la Villa), puis marchèrent encore vers l’est pour trouver la carrière ombragée – là où se dérouleraient les joutes – et parvinrent enfin au pré – large étendue d’herbes folles entourée de barrières.
Ils trouvèrent là Boréas flanqué de trois autres personnages, qui devisaient sur la meilleure façon de procéder. Dans le pré se tenaient six montures de taille moyenne – mais à l’air robuste -- à la robe caramel. Ils avaient l’air de poneys, ou en tout cas de montures pour enfant. Et à première vue, ils avaient l’air calmes. De loin, en tout cas.
Le palfrenier s’avança vers le maître d’écuries et lui dit – en cyrillan :

- Il manquait deux personnes… Mais j’ai préféré ne pas attendre davantage. Voilà les cinq candidats.
- Parfait, répondit l’autre (en cyrillan aussi). Dommage pour les autres, mais… On ne peut pas pénaliser tout le monde à cause de retardataires.
« Alors mon cher, dit-il en se tournant vers Boréas (en cyfand, cette fois), vous disiez qu’on devait d’abord attraper… Mince, j’ai oublié son nom. Tenez, j’ai apporté un sac plein de pommes et de carottes. Tout ce petit monde est là pour nous aider. Dites-nous et montrez-nous comment gérer vos petits diables. Et transférons-les aux écuries pour les préparer.

À quelque distance, Kayla observait la scène. Personne ne lui fit la moindre remarque, mais on ne l’invita pas non plus à s’approcher davantage.

Réveillé peu avant l’aurore, chaque jour un peu plus tôt que la veille à mesure que les années s’accumulaient sur sa carcasse d’ermite, Boréas quitta la tente sans un bruit.

Dehors, le calme précédant l’aurore était de velours. La fraicheur aiguillonnant ses sens d’Arolave le mit instantanément de merveilleuse humeur.
Si seulement la température pouvait rester ainsi. La pénombre diaphane du point du jour s’étendait encore loin sur les allées du domaine et il fixa un long moment l’horizon au détour d’un chemin. La ligne crénelée de la forêt blanche d’Arataurë à l’Ouest se fondait encore dans le ciel nocturne, tandis que l'horizon plat de la mer d'Ustalva a l'Est dévoilait à peine le frémissement saumoné des premiers rayons du soleil. Boréas gonfla ses poumons d’air frais, en priant simplement pour que la journée soit équitable et fructueuse pour chacun. Ses bottes élimées foulèrent en silence la rosée luisante de la pelouse tandis que le nez dans la brise, il flâna jusqu’aux écuries.
Et trouva porte close. Trop tôt.

L’aube rosissait enfin les sommets au lointain lorsque le Maitre d’écurie vint lui ouvrir, bientôt secondé de deux jeunes palefreniers. A comparer la tête du premier avec celle des seconds, il était évident que quelques degrés de qualité de sommeil les séparaient.
- Messieurs, à nous de jouer.

Boréas salua les autres candidats d’un regard engageant à leur arrivée au pré et gratifia même Kyala d’un sourire de remerciement pour s'être levée aussi tôt. Puis, son regard d’ordinaire si calme s’alluma et c’est en contenant sa passion qu’il s’adressa au comité matinal :

- « Bonjour à tous, je m’appelle Boréas. Je suis candidat comme vous, mais je suis aussi l’éleveur des chevaux qui vous serviront de monture pour les épreuves d’aujourd’hui. Il s’agit d’une race particulière dont certains d’entre vous ont peut-être entendu parler malgré son extrême rareté ; il s’agit du Henson parfait croisement de pur-sang et des chevaux du nord. Malgré leur allure modeste comparée aux destriers auxquels vous avez probablement eu affaire auparavant, ces chevaux sont très résistants et polyvalents. Je ne doute pas que leurs capacités impressionnent les meilleurs cavaliers d’entre vous. En revanche, ce qui rend ces chevaux si particuliers et recherchés, c’est leur caractère unique, additionné à un dressage strict. Ce sont des bêtes loyales et courageuses, fidèles et audacieuses. À la manière de ces chiens d’assistance que possèdent certains nobles atteints de cécité, mes chevaux sont dressés à la protection de leur propriétaire, et ce au péril de leur propre vie.
Cependant la difficulté réside dans le gain de cette confiance. Sans cette confiance accordée, ces chevaux peuvent s’avérer de véritables dangers, et ce afin de protéger les intérêts de leur cavalier attitré. Le choix mutuel entre un cavalier et sa monture s’appelle appairage. Il prend généralement plusieurs jours, quoi qu’il puisse y avoir de belles surprises.
Notre premier défi ce matin est de tenter de trouver à chacun la meilleure monture en fonction de votre caractère, et en très peu de temps, de gagner le degré de confiance minimum nécessaire pour mener les épreuves à bien. C’est pour cela que je serais de votre côté afin de garantir le bien-être de mes bêtes autant que le vôtre.
De plus, afin de rester équitable dans les épreuves équestres, je me suis vu attribuer un destrier farouche des écuries de la Duchesse. J’aurai donc moi-même affaire à un handicap inconnu durant les joutes.»

Boréas fit une pause afin de laisser aux candidats le temps d’assimiler les informations, et se tourna vers le Maître d’écuries afin d’obtenir son approbation sur cette première déclame.

- « Bien. Concernant les étapes d’approche de mes chevaux, retenez ceci : Courtoisie, Flatterie, Pomme. Prenez votre temps, et surtout gardez votre calme. La nervosité sera votre pire enemi.
Choisissez un animal, captez son attention et approchez-le à environ un mètre. Présentez-vous à lui avec politesse et faites une légère révérence. S’il vous répond en courbant légèrement l’encolure, vous pouvez approcher jusqu’à sa tête. Offrez-lui une friandise, et flattez-lui légèrement l’encolure. N’hésitez pas à continuer à lui parler à voix basse. S’il garde les oreilles en avant et reste calme, alors c’est bon signe. Vous pourrez passer au pansage et au harnachement. »

- « Cependant restez attentif : si à n’importe quelle étape votre cheval baisse les oreilles et fait mine de vous mordre, reculez immédiatement. Vérifiez votre niveau de stress, et recommencez à partir de la révérence. Ignorez ces avertissements et la prochaine chose que vous verrez sera un sabot affuté volant à votre rencontre. Dans le cas où l’approche est impossible, essayez avec un autre animal. Souvenez-vous : Courtoisie, Flatterie, Pomme.
- Avez-vous des questions ? »

Le serviteur lui avait fait non de la tête, et Sallavin ne comprit pas immédiatement qu'on ne l'avait tout simplement pas...et bien, compris, justement. Ils avaient traversé une partie du domaine quand il réalisa que Kayla était avec eux et qu'elle parlait la langue locale. Alors que les palefreniers devisaient entre eux, le melësse fit un écart pour lui demander en elfique :

- Bonjour chère barde ! Vous n'aviez pas menti, vous êtes bien matinale ! Pendant que l'on se prépare, pourriez vous demander si tout le monde est bien là ? Sinon, il est peut être encore temps de réveiller ceux qui manquent... Et demander pourquoi n'y avait aucune cuillère ce matin devant mon lit ? Si vous le voulez bien, bien entendu.

N'osant pas trop s'écarter du reste du groupe et donner l'impression de préparer un mauvais coup, Sallavin salua rapidement Kayla après avoir formulé ses requêtes, sans vraiment prendre le temps d'écouter sa réponse. Juste à temps pour écouter les explications du sieur Boréas, tout en observant les montures. Rien à voir avec ce que montait sa mère... En même temps, sa mère ne montait généralement même plus un cheval. Enfin, il est vrai qu'ils avaient l'air solides, à défaut d'être très grands. C'est comme moi. Songea-t-il en souriant.

Le reste des explications était une version améliorée de ce que le dresseur lui avait déjà enseigné. La flatterie n'était certainement pas le genre de Sallavin, mais il ferait du mieux possible pour le reste. Si ces poneys répondent mieux à ceux qui ont le même caractère qu'eux... Le chevalier sans cheval chercha une monture en retrait dont l'attitude ne trahissait ni l'impatience, ni la crainte perpétuelle que semblaient avoir tous les chevaux qu'il croisait. Si possible, qui ne se ferait pas acheter trop facilement par une pomme.

- Aucune question, c'est très clair pour moi.

Ajouta-t-il poliment, en laissant l'occasion à d'autres de s'exprimer avant de proposer de commencer l'exercice.

La tirade de Boréas sembla satisfaire pleinement le maître d’écurie, tout en laissant de marbre les jeunes palefreniers dont aucun ne semblait parler cyfand.

« Et les carottes ? Ils n’aiment pas ça ? J’ai les deux, au cas où », fit le maître d’écuries en ouvrant grand son sac de toile pour que les candidats se servent. Prenez un licol et une longe, aussi. Quand les chevaux se laisseront approcher, passez-leur le licol et guidez-les jusqu’ici.

Comme il y avait six bêtes pour cinq candidats (Boréas compris), les trois palefreniers s’adonnèrent à un petit jeu avec leurs mains pour déterminer lequel tenterait l’expérience. Ce fut le plus grand des trois – un jeune homme au dos légèrement vouté, à l’air gauche et au visage mangé par l’acné – qui « remporta la victoire » et se fit charrier en cyrillan par les deux autres. Il grogna de frustration et se servit en friandises en fusillant ses pairs du regard.
Le maître d'écurie lui traduisit rapidement les instructions de Boréas, laissa les autres se servir en pommes et en carottes, puis leur ouvrit la barrière...

Le blondinet se dirigea vers le cheval le plus proche, à pas lents et prudents pour ne pas le faire fuir. Il tendait sa friandise à plat sur sa paume tendue devant lui. La bête tendit une oreille vers lui, puis la tête, et semblait tiraillée entre l’envie de s’éloigner et la gourmandise. Finalement, elle décida de laisser l’autre l’approcher, et tordit le cou pour sentir – le plus loin possible – ce que le jeune homme lui présentait. De loin, on voyait l’homme lui murmurer des choses, puis se fendre d’une gracieuse révérence. Le cheval hésita, puis baissa deux fois l’encolure, avant de saisir à pleines dents la pomme qu’on lui tendait, et repartit en trottinant pour la manger tranquillement ailleurs. L’homme ne se laissa pas démonter, attendit un peu, puis retenta une approche en présentant une autre friandise. Au bout de la deuxième tentative, il parvint enfin à flatter l’encolure de la bête et à lui passer le licol qu’il fixa à l’encolure.

La danseuse martiale au crâne lisse se débrouilla aussi bien avec sa propre bête. Avec beaucoup de calme et de douceur, des mouvements fluides et des murmures dans sa langue natale, elle amadoua l’animal au bout de deux tentatives.

La grande elfe aux cheveux couleur d’automne n’eut besoin que d’une seule tentative. Elle semblait tellement à l’aise dans cet exercice qu’en la regardant de loin, on se demandait lequel des deux était l’animal et lequel essayait d’amadouer l’autre. En quelques minutes, la bête lui accorda la permission de se laisser passer le licol. Puis, d’un pas nonchalant, tous deux revinrent vers la barrière.

Quant au jeune palefrenier, le pauvre avait bien failli se faire mordre. La peur et la surprise l’avaient fait chuter en arrière, et il observait avec dépit l’animal s’enfuir à l’autre bout du pré. Prenant son courage à deux mains, il tenta d’approcher la bête à nouveau, mais celle-ci détalait à chaque fois, battant furieusement l’air de sa queue et couchant les oreilles. Inutile de dire que ses petits camarades étaient pliés de rire devant le spectacle... Le maître d'écurie lui-même avait bien du mal à retenir son hilarité.

Il restait deux autres chevaux : le prénommé Björn et un autre. En les observant attentivement, Sallavïn décida de tenter sa chance avec le deuxième – le premier ayant l’air particulièrement difficile à approcher.